MAI 68. Quel beau mois de printemps… chaud comme un mois d’été ! Quelques semaines auparavant, la France s’ennuie. Et pourtant ! Dans la dynamique des grands projets gaulliens d’aménagement du territoire, le CNES et le CNRS ont pris en 1963 deux décisions majeures. En Mars 68, le site toulousain de l’agence spatiale se loge dans …une villa maraîchère et le 12 mai, une centaine de chercheurs s’installe dans les nouveaux bâtiments d’un très grand laboratoire à l’acronyme accrocheur : le LAAS, Laboratoire d’automatique et de ses applications spatiales.

Durant ce temps, maintenant le suspense, Concorde a seulement fait entendre son « bruit » aux Toulousains, Neil Armstrong répète son premier pas lunaire, petit pour l’homme, grand pour l’humanité, Martin Luther King vient d’être assassiné, la guerre fait rage au Vietnam (la forme peut varier mais les choses ne changent guère) et les Beatles pensent à se séparer. Un monde lointain ignoré aujourd’hui par beaucoup et pourtant si proche. Si proche car nos préoccupations d’aujourd’hui étaient bien celles des fondateurs du LAAS. L’une d’entre elles, majeure, s’appelle, depuis
un sommet européen à Lisbonne, l’Economie de la connaissance. Il y a quarante ans, rapprocher l’entreprise et la recherche publique n’allait pas de soi. Incontestablement, c’est une contribution essentielle du LAAS à notre dynamisme régional que d’avoir aussi bien garni « l’armoire à confitures » de nos connaissances que d’avoir pris sur les étagères pour créer cette alchimie subtile de l’innovation et du transfert technologique.
Une vision partagée entraîna tout naturellement un partenariat entre le laboratoire et l’Etablissement public régional présidé de 1974 à 1981 par Alain Savary. C’est durant cette période des premières années que furent sans aucun doute posées au travers des missions sur l’automatique, l’informatique et les composants électroniques dans une perspective d’applications spatiales les premières briques des systèmes embarqués. Avec tous les développements dans le secteur industriel de l’automobile que l’on connaît (mal pour un très grand nombre). « Un avenir pour Midi Pyrénées », document publié par l’EPR, annonçait déjà entre ses lignes les grandes orientations et dynamiques nécessaires qui donneront naissance aux pôles de compétitivité. Dans le domaine financier et la prise de risque pour soutenir l’innovation, la création de l’IRDI fut un indicateur d’avantgarde.
Faire et faire savoir
Visibilité, lisibilité. Là encore, le LAAS et l’EPR s’engagèrent sur un chemin commun dont une borne parmi les plus marquantes fut sans aucun doute le SITEF, créé en 1981 à l’initiative du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse pour pousser l’innovation et imaginer les technologies et énergies du futur. Le SITEF n’est plus mais son objet reste d’une très grande actualité. De grandes manifestations internationales comme le Congrès mondial de l’Informatique il y a quelques années, les congrès ERTS, Embedded Real Time Software, le Toulouse Space Show en sont les nécessaires héritiers. Vinrent alors les grandes lois de décentralisation de 1982, celle du 15 Juillet créant les comités consultatifs régionaux pour la recherche et le développement technologique (CCRRDT), celle du 29 juillet installant la procédure des contrats de plan Etat région (CPER). Deux outils essentiels dans les relations qui vont alors se développer entre le LAAS et le Conseil régional Midi-Pyrénées. « Pour sortir la recherche des labos » une revue, « Transfert Magazine », créée en 1983 à l’initiative du Président de l’UPS puis développée par un partenariat UPS-Conseil Régional, leur fera largement écho. On se souvient des publications sur le rôle majeur joué par le LAAS dans le développement de l’intelligence artificielle, de la robotique, d’une certaine machine futée en diable et « Hilare ». Et pour ses 18 printemps un bel article, « le LAAS Majeur ». Transfert Magazine cessera de respirer en 1987. C’est un manque pas encore comblé.
Durant les années 80, alors que certaines régions ignorant la loi attendront le début des années 2000, le CCRRDT, sans doute le premier installé, va être un creuset où vont se nouer des contacts, se mettre en place des transversalités, s’élaborer des stratégies d’actions multiples pour animer la recherche et renforcer le tissu industriel. Le concept de laboratoire commun, élément structurant s’il en est de la relation industrie –recherche y sera pour une grande part précisé. La liste est longue de ces partenariats entre le Conseil régional, des industriels, des laboratoires de recherche
publique dont le LAAS toujours en première ligne : LIS, avec Matra Marconi Space et Technicatome sur la sûreté de fonctionnement des systèmes informatiques ; MIRGAS, sur l’automatique des systèmes automobiles ; LISPA, avec Motorola puis FreeScale sur les dispositifs intégrés de puissance ; PEARL, avec Alstom sur l’électronique de puissance ; AUTODIAG, avec Actia sur le diagnostic et la maintenance automobile ; PIXCELL, avec Essilor sur l’optique discrète…ou la lunette du futur. Dans le cadre des CPER successifs, le 7e est d’actualité, les moyens du LAAS ont été considérablement renforcés. Des locaux pour le personnel, une bibliothèque, la construction d’une salle blanche pour la conception et la réalisation des microsystèmes avec l’intégration du laboratoire dans le plan national d’action sur les nanotechnologies, sont autant d’atouts pour répondre encore plus efficacement à ce fondamental de la politique régionale qu’est le rapprochement des cultures d’entreprise et de recherche autour de projets communs. Si les laboratoires communs privilégient les relations avec les grands groupes, le tissu des PME et PMI ne doit en rien être négligé et le Club des affiliés du LAAS est sans conteste une excellente passerelle.

C’est désormais sur un terrain profondément bouleversé que le match se joue.

Il devient banal de dire que le monde a changé. Il est beaucoup plus compliqué de savoir comment se situer. Pourtant, des fondamentaux s’imposent pour développer avec succès -nous n’avons pas d’alternative- cette économie de la connaissance. Ils s’appellent mutualisation, transversalité, proximité, interdisciplinarité. Les pôles de compétitivité, le PRES, les RTRA, les instituts Carnot doivent s’en nourrir. La labellisation récente de « l’Université de Toulouse » comme campus d’excellence confirme s’il en est besoin que jouer groupé donne des points. Des dynamiques de projet doivent s’amplifier. Le glissement sémantique de « l’automatique et ses applications spatiales » vers « l’architecture et l’analyse des systèmes » place le LAAS comme un acteur privilégié d’un mouvement qu’il connaît bien par vocation et qui aujourd’hui s’impose par une approche d’intégration, une approche « système ». Les projets sont nombreux où les talents dont il dispose peuvent s’exprimer. Pour n’en citer qu’un seul, alors que les consciences s’aiguisent et les volontés se mobilisent pour ne plus maltraiter notre belle planète, les économies d’énergie et la montée en puissance des énergies renouvelables sont des enjeux incontournables. On connaît en ce domaine la place stratégique de la construction privée ou collective comme de la réhabilitation de l’habitat ancien. Ainsi le Conseil régional développe un projet pour le développement d’un Bâtiment économe en Midi-Pyrénées, appuyé sur la dynamique triangulaire vertueuse industrie-recherche-formation. Inévitablement, cette dynamique doit rencontrer quelque part les connaissances acquises au LAAS dans le domaine de l’énergie et, pour être plus précis, dans celui de l’énergie photovoltaïque. Le projet inscrit au CPER d’une plateforme d’essais des technologies les plus innovantes de l’information et des communications doit être une belle occasion de promouvoir l’excellence énergétique en concevant cette plateforme comme un Bâtiment intelligent à énergie positive. Pour en faire une référence technologique tant régionale que nationale. Voilà bien un grand défi à relever !
Comme par le passé, notre coopération a encore de beaux jours devant elle pour continuer à construire sur ce grand laboratoire du CNRS dont beaucoup de chercheurs, d’ingénieurs, de techniciens de grand talent ont « élargi les murs » et créé une diaspora irriguant les communautés industrielle et scientifique.
Concorde a rentré ses ailes, l’A380 sillonne le ciel toulousain, des robots se promènent sur Mars pour nous rendre plus intelligents, la Chine se lève et Barack Obama sera peut-être président des Etats-Unis…
Le Monde change…
Bon anniversaire le LAAS !

Alain Bénéteau
Vice-président du Conseil régional Midi-Pyrénées