Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
© Actia
Le LAAS-CNRS occupe une position exemplaire au sein de la recherche française. Créé par Jean LAGASSE, il y a 40 ans, le LAAS a voulu dès sa fondation faire une recherche scientifique de haut niveau, dont les thématiques répondaient à des besoins de l’économie française.
Le principe de pertinence économique du choix stratégique des axes et des sujets de recherche garde toute son actualité. Il ne s’agit pas de discuter du niveau scientifique : il doit évidemment être reconnu par la communauté internationale par les critères habituels de publications. Il s’agit de décider, après une analyse de la demande économique et sociale, des thèmes de recherche en respectant évidemment les compétences des chercheurs concernés.
La demande politique -donc de la Cité- est bien celle-ci lorsque les Chefs d’Etat de l’Union Européenne réunis à Lisbonne appellent à une économie basée sur la connaissance. Ce développement serait impossible sans une double prise en compte : celle des besoins de l’entreprise par les chercheurs et celle des possibilités du laboratoire par les acteurs économiques. Cette double compréhension ne va pas de soi. Elle nécessite des contacts réguliers et approfondis que les fondateurs du LAAS ont pressenti en créant les « amis du LAAS » et que des outils comme les pôles de compétitivité ou les labels CARNOT mettent aujourd’hui en exergue. Le LAAS participe activement à ces structures, dont personne ne met en cause l’opportunité et le fondement.
Y a-t-il opposition entre le niveau de la recherche et la pertinence pour la société ? Aucunement. Au paysde Pasteur qui a su allier ces deux critères avec le succès qu’on lui reconnaît, le LAAS peut continuer à jouer son rôle de pionnier.
Ce principe de pertinence économique du choix peutil porter atteinte à l’excellence scientifique ? Il en est devenu à mon sens le complément indispensable. De plus en plus, la recherche mondiale est évaluée sur 2 critères. Le premier, majeur en France, reste la reconnaissance par les publications scientifiques ; le second, qui n’est plus secondaire, est le volume relatif des contrats. Par ailleurs, dans l’hexagone, les montées en puissance d’OSEO, de l’ANR et du FUI, rendent possible pour tous les laboratoires une stratégie de croissance basée sur l’analyse des besoins de l’économie. Le LAAS a fait figure de précurseur dans ce domaine en 1968, à un moment où ce sujet n’était pas évident. Saura-t-il poursuivre dans cette voie pour participer activement à une recherche de haut niveau scientifique et pertinente pour notre économie ? L’expérience du laboratoire commun, AUTODIAG, entre le LAAS-CNRS, l’IRIT et ACTIA montre que la réponse peut être clairement positive.
AUTODIAG a été créé en 2003. Soutenu par l’Europe, l’Etat et la Région, il a approfondi des thèmes majeurs pour le diagnostic électronique automobile. La demande économique est évidente : il y a 10 ans, un nouveau véhicule comportait entre 5 et 10 cartes électroniques. Les exigences de la sécurité routière et de la lutte contre la pollution, ainsi que les besoins de confort, conduisent aujourd’hui à mettre près de 50 cartes électroniques dans nos véhicules neufs.
La fonction d’aide au diagnostic est donc devenue indispensable. Elle est portée par un PC qui accueille un logiciel puissant et qui dialogue avec le véhicule par une carte de communication. Les concessionnaires, les garagistes indépendants et les centres autos ont besoin de ces moyens pour diagnostiquer les voitures. AUTODIAG a permis de faire des progrès significatifs dans plusieurs domaines : le raisonnement à base de modèle, le raisonnement à base de cas, les réseaux de Petri, l’ontologie, l’ergonomie.
Les résultats obtenus sont très encourageants. Ils permettent de prévoir des systèmes de diagnostic plus précis, plus rapides, plus simples pour le réparateur. Cette avancée permet d’imaginer des véhicules plus sûrs, moins polluants et aisés à maintenir. Les sujets scientifiques sont complexes et les applications économiques utiles à la société. Y a-t-il opposition entre le niveau de la recherche et la pertinence pour la société ? Aucunement. Au pays de Pasteur qui a su allier ces deux critères avec le succès qu’on lui reconnaît, le LAAS peut continuer à jouer son rôle de pionnier.
Christian Desmoulins
Directeur général d'ACTIA,
Directeur régional de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) de Midi-Pyrénées de 1991 à 1998