Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
© ESA/AOES Medialab
En 2014, la sonde Rosetta envoyée par l’ESA se posera sur la comète Churyumov-Gerasimenko pour en étudier le noyau. Cette phase d’étude au sol de la comète comporte de nombreuses expérimentations, dans un environnement contraint aux ressources en énergie et aux capacités de transfert de données limitées. Leur planification, à l’aide d’outils algorithmiques développés au LAAS, est une des clés de la réussite de la mission.
La mission spatiale Rosetta/Philae, lancée en 2004 par l'Agence spatiale européenne, a pour but de rejoindre la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko en 2014, de l’observer depuis l’orbite et de se poser sur son noyau afin de l’étudier. L’exploration comporte trois phases : la SDL (Separation-Descent-Landing), qui durera environ une heure, au cours de laquelle l’atterrisseur Philae réalisera les premières expériences pendant la descente vers la comète ; la FSS (First Science Sequence), d’une durée de trois à cinq jours au sol de la comète, est la phase principale d’étude du noyau cométaire ; enfin la LTS (Long Term Science) dont la vocation est l’observation du comportement de la comète à l’approche du Soleil et qui se prolongera tant que la sonde sera fonctionnelle. La phase FSS est la plus critique car l’exécution de certaines expériences coûteuses en énergie nécessite la puissance fournie par la batterie principale et peut entraîner une trop grande sollicitation de celle-ci.
© ESA, image by Jacky Huart
Durant la phase FSS, les expérimentations scientifiques sur le sol de la comète génèrent de multiples activités dont l'ordonnancement est un véritable enjeu au regard des contraintes physiques et des ressources matérielles. Les principales contraintes proviennent de différentes limitations portant sur l'énergie fournie par les batteries, la température ambiante dans un compartiment, ou encore les ressources mémoire allouées aux expériences et à l'atterrisseur. La qualité de la planification proposée conditionne la longévité des batteries, et est donc la clé de la réussite de la mission. Le calcul de tels plans peut se concevoir comme la résolution d’un problème d’optimisation combinatoire, en l’occurrence un problème d’ordonnancement. En raison de faibles capacités de calcul à bord, les plans d'expériences sont élaborés au sol, puis transmis à la sonde. Les ingénieurs du Centre de navigation et d’opérations scientifiques (SONC) du CNES chargés de la planification des activités pour la mission ont développé l’outil MOST (Mission Operations Scheduling Tool) pour la génération de ces plans.
La génération de plans nécessite de résoudre le problème central de la gestion du transfert de données, entre instruments et calculateur de bord de l’atterrisseur, puis entre l’atterrisseur et l’orbiteur. Les données produites par les instruments de mesure sont transférées suivant des règles fixes appliquées par le calculateur de bord. Il est important de modéliser aussi précisément que possible ces règles qui régissent l’interaction entre les décisions de planification et les transferts de données de façon à ce que ceux-ci soient réalisés sans perte. Les chercheurs du LAAS (équipe MOGISA), s'inscrivant dans le paradigme de la Programmation par contraintes, ont donc proposé une résolution alternative de ce transfert de données sans perte. Un modèle continu du fonctionnement du calculateur de bord a ainsi été développé. Ce modèle approché permet de raisonner de façon efficace sur le temps de transfert et l’occupation effective de la mémoire lors du déroulement du plan. Cette proposition a finalement donné lieu au développement d’outils algorithmiques essentiels à la résolution du problème combinatoire de l'ordonnancement des tâches expérimentales.
© Ill. ESA
Les algorithmes proposés permettront aux ingénieurs du CNES travaillant sur la planification des activités, de produire plus rapidement des plans réalisables, voire optimaux, et respectant au mieux les attentes des scientifiques impliqués dans les expériences. Or, en raison d'incertitudes liées à la méconnaissance a priori de certaines données, en particulier le lieu exact et l’état de l’atterrisseur Philae après l’atterrissage, le plan d'opérations scientifiques définitif doit pouvoir être recalculé au dernier moment dans un temps extrêmement court. L'augmentation de performances obtenue est ainsi déterminante pour une réussite totale du projet.