Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
Dans les années 1970, le monde de l’électronique de puissance comportait deux communautés : les « concepteurs de composants », issus de la « petite » électronique, qui faisaient régulièrement progresser leurs performances et les « circuiteurs », issus de l’électrotechnique, qui tentaient de maîtriser l’adéquation composant/circuit. Ces deux communautés tentaient de communiquer en dépit de cultures, de vocabulaires, de méthodologies, de critères différents.
C’est dans ce contexte qu’est né le premier embryon de dialogue entre le LAAS (équipe de Philippe Leturcq) et le LEEI[1](équipe « convertisseurs statiques », que j’animais alors). Jusque-là, le circuit devait se plier aux exigences du composant. Il apparaissait, maintenant, que le circuit obéissait à des règles strictes, indépendantes du composant et qui imposaient à ce dernier des contraintes incontournables. La notion de « cellule de commutation » venait de naître qui montrait qu’un composant de puissance n’était jamais seul mais toujours associé à, au moins, un deuxième composant au sein de cette cellule. Ce concept représentait la clef du dialogue composant/circuit qui venait de s’instaurer.
Naissance d’une nouvelle fonction de commutation
Dès 1978, l’équipe du LEEI déposait un brevet sur un « nouveau » composant, baptisé Thyristor-dual car il possédait des propriétés statiques et dynamiques duales de celles du thyristor. Evidemment réalisé au moyen des composants discrets disponibles (transistors bipolaires et MOST), ce nouveau composant a connu un vif succès académique et industriel car il a mis a jour un nouveau mode de commutation - la « commutation douce » - et permis la création des convertisseurs à résonance, quasi-résonance... Une nouvelle fonction de commutation était née, non issue des avancées technologiques de l’intégration, mais résultant plutôt de considérations de type « circuit ». La tentation était grande de donner une réalité physique à ce composant dont la synthèse, réalisée en éléments discrets, ôtait toute légitimité !
Pendant ce temps, un nouvel axe de recherche se profilait au LAAS, baptisé « intégration fonctionnelle » sous la houlette de Jean-Louis Sanchez. Une collaboration s’est instaurée spontanément entre les deux équipes et s’est trouvée confortée par une extraordinaire ouverture d’esprit des participants. Des sujets d’étude ont fusé de part et d’autre. J’ai demandé à Jean-Louis de participer aux enseignements d’électronique de puissance avancée de l’ENSEEIHT et nous avons co-animé des cours et des bureaux d’étude sur l’approche conjuguée « circuit » et « intégration fonctionnelle » du thyristor-dual.
Il s’en est suivi, dans les deux laboratoires, de très nombreux travaux menés en commun, des sujets de stage, des thèses. C’est près d’une quinzaine de brevets et publications qui ont uni, entre 1995 et 2008, les noms de Jean-Louis, de nos collaborateurs et le mien …
Des sujets d’étude ont fusé. C’est près d’une quinzaine de brevets et publications qui ont uni nos noms entre 1995 et 2008
La belle histoire ne s’arrête pas là car un nouveau composant, dérivé du thyristor-dual, est né de ces discussions : le disjoncteur intégré, vu comme un composant de la conversion statique. Il a, à son tour, alimenté la réflexion commune et les travaux du groupe. Puis c’est l’intégration de capteurs et de protections au sein des composants qui prolonge le filon de cette collaboration … et les publications communes continuent.
Aujourd’hui, Jean-Louis nous a quittés mais la dynamique qu’il a su donner à ce groupe de travail est intacte. De nouveaux acteurs sont apparus de part et d’autre et cette extraordinaire épopée s’est poursuivie et se poursuit encore et toujours. C’est bien grâce à son ouverture d’esprit, à sa générosité, à son dynamisme qu’il a su animer cette collaboration et entretenir un climat de franche camaraderie et d’amitié. Je souhaite à beaucoup de collègues de vivre cette tranche de vie scientifique que nous avons vécue avec Jean-Louis, et je me réjouis de la voir perdurer entre les nouveaux acteurs des mêmes Equipes du LAAS et du LEEI, devenu LAPLACE.
Henri Foch
Professeur honoraire à l'INP de Toulouse
[1] Laboratoire d’électrotechnique et d’électronique industrielle, unité mixte de recherche CNRS-INPT
Image ci-dessus : Un exemple de dispositif intégré de puissance