Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
Comment rendre hommage à Jean-Louis Sanchez sans tenir compte de l’esprit d’équipe qui l’animait si profondément, au point de faire abstraction de ses réalisations personnelles au profit de la communauté scientifique ?
Au-delà des générations, nous nous sommes associés pour témoigner de la persévérance et de la passion dont a fait preuve Jean-Louis depuis presque trente ans déjà, date à laquelle les MOSFETs de puissance n’avaient plus de secrets quant à leur comportement en salle blanche jusqu’aux équations semi-analytiques qui les décrivent lors de sa thèse de docteur ingénieur. Quelques années plus tard, nous le redécouvrons féru d’intégration monolithique de puissance lors de son habilitation à diriger des recherches. Travail remarquable, s’appuyant sur un état de l’art exceptionnel et une présentation très didactique et ô combien soignée malgré le support transparent de l’époque. Il faut dire que Jean-Louis a été encadré par des professeurs et chercheurs de renom qui savaient gommer les divergences culturelles au profit d’une éthique professionnelle sans faille pourvu que la recherche scientifique en sorte renforcée. C’est cette démarche pragmatique, qui ne laisse rien au hasard mais qui favorise le doute permanent, qui a prévalu durant toutes les années qui ont suivi.
Après les disparitions successives de Pierre Rossel puis Georges Charitat, qui furent les précédents responsables du groupe CIP, Jean-Louis, bien que très affecté, a pris la responsabilité du groupe à bras le corps à partir du printemps 2002. En tant que chef de groupe puis sous-directeur du LAAS, responsable du pôle MINAS, il a accompagné et fortement soutenu les différentes collaborations entre le LAAS et Motorola Semiconducteurs (devenu Freescale en 2004), via deux laboratoires communs, le LCIP2 (2001-2004) et le LISPA (2005-2008), puis les projets ANR MOS i-StARS (2008-2011), et ToPoGaN1 (2009-2011). Pourtant, ses propres activités sur l’intégration fonctionnelle et l’IGBT n’étaient pas du tout concernées par cette collaboration mais Jean-Louis, convaincu par les recherches menées dans ces cadres, les a constamment appuyées et soutenues, n’hésitant pas à mettre en avant les chercheurs impliqués et à dégager les budgets nécessaires en équipement ou en personnel pour que ces projets aboutissent.
"MOS i-StARS, élément essentiel de l'alterno-démarreur équipant les véhicules Stop and Start."
Grâce à son soutien, les avancées obtenues aussi bien à Freescale qu’au LAAS furent nombreuses : on peut citer la conception de nouveaux composants de puissance en silicium (WELLFET, FLYMOS) et en nitrure de gallium (HEMT 600V/10A sur substrat silicium 6 pouces), de protections ESD pour les circuits intégrés SmartMOS™ de Freescale ainsi que le tout dernier composant MOS i-StARS, élément essentiel de l’alterno-démarreur équipant les véhicules « Stop and Start ».
Ce soutien permanent, Jean-Louis l’a apporté sans contrepartie d’aucune sorte, exception faite de la satisfaction de voir ses collègues et amis chercheurs et ses collaborateurs et amis de l’industrie s’épanouir et réussir dans leurs projets. Jean-Louis avait le sens profond de l’intérêt général : il n’a jamais rien exigé pour lui-même dans ces collaborations. Outre sa générosité et son humilité dont il a fait preuve tout au long de ses divers mandats, Jean-Louis laisse déjà une empreinte indélébile, qui nous n’en doutons pas, traversera des générations de chercheurs, à l’instar de quelques dirigeants historiques du LAAS.
Frédéric Morancho, enseignant chercheur au LAAS-CNRS
Jean-Michel Reynès, ingénieur à Freescale
Photo ci-dessus : Image obtenue par SCM (Scanning Capacitance Microscopy) d’un transistor FLYMOS™, exemple parfait de réalisation rendue possible par la collaboration « LAAS / Freescale ».
D'une génération à l'autre
Jean-Michel Reynès est le premier bénéficiaire d’une convention de thèse CIFRE entre le CNRS et Motorola. Démarrée en 1984 sous la direction au LAAS de Philippe Leturcq et soutenue en 1986, sa thèse porte sur les composants de puissance pour l’automobile, avec une application dans l’allumage qui consiste au remplacement des vis platinées par un commutateur électronique. Presque dans le même temps, Jean-Louis Sanchez prépare sous la direction de Pierre Rossel son doctorat consacré à la réalisation de transistors MOS de puissance avec l’objectif d’optimiser leurs propriétés. Après leurs soutenances respectives, le premier sera recruté par Motorola, le second, Jean-Louis Sanchez, intégrera le CNRS, et le groupe de Philippe Leturcq. Plus tard, en 1992, Frédéric Morancho entre lui aussi au LAAS dans le même groupe pour y préparer un doctorat avant d’y être intégré comme enseignant chercheur. Il travaille à la fois au côté de Jean-Louis Sanchez et avec Jean-Michel Reynès côté Motorola. Cette histoire commune et très imbriquée, issue de la relation contractuelle du laboratoire académique de l’industriel, crée un lien et des souvenirs personnels qui perdurent d’une génération à l’autre.