Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
C’est à partir de l’année 1990 que fut initiée une collaboration de longue haleine entre la R&D du site de Tours de STMicroelectronics et le LAAS. Cela s’est traduit par près de vingt années d’une coopération qui ne fut possible que grâce à l’investissement personnel et constant de Jean-Louis Sanchez. Dans ce cadre, il constitua une équipe pluridisciplinaire dédiée aux problématiques auxquelles était confrontée l’activité du site de Tours, à savoir la réalisation de composants électroniques pour une meilleure efficacité énergétique.
Le site de Tours de STMicroelectronics développe et fabrique des composants nécessaires aux systèmes de conversion d’énergie électrique travaillant sur le secteur (230 / 380 Volts alternatif). Cela concerne l’immense champ d’application des équipements domestiques et industriels et donc un enjeu sociétal majeur concernant les économies d’énergie électrique. On peut actuellement encore constater que beaucoup d’équipements de notre environnement domestique dissipent de la chaleur quand ils sont en fonctionnement, ce qui, cumulé sur des centaines de millions d’unité, donne un niveau de pertes d’énergie équivalent à plusieurs tranches de centrale nucléaire. Cette chaleur dissipée en pure perte révèle ainsi un rendement médiocre entre l’énergie fournie et l’énergie utilisée qui doit être impérativement amélioré. Vu sous cet angle, on peut considérer l’électronique de puissance comme un formidable gisement d’économie d’énergie électrique. Dans cette perspective, il était alors nécessaire de mener, en amont de la conception des systèmes, une réflexion de base pour renouveler le design des schémas électriques, les caractéristiques des composants à viser, et les nouvelles technologies à développer afin de permettre une nouvelle génération d’équipements beaucoup moins dissipatifs. Cette démarche impliquait un véritable changement des paradigmes sur lesquels reposait l’électronique depuis des décennies. Sans que cela ait été formalisé, une équipe commune d’ingénieurs R&D de STMicroelectronics et de chercheurs du LAAS fut constituée sous l’impulsion de Jean-Louis Sanchez pour dégager peu à peu de nouvelles règles de conception et de nouvelles architectures dans le Silicium, donnant lieu à des dépôts de brevets communs.
Cette démarche impliquait un véritable changement des paradigmes sur lesquels reposait l'électronique depuis des décennies.
Il faut saluer ici le courage et l’obstination de Jean-Louis, qui dirigeait ces recherches dont le caractère très exploratoire exigeait une ouverture intellectuelle peu commune ainsi qu’une capacité d’initiatives pour relancer l’investigation quand elles se trouvaient dans une situation de blocage. On peut dire que ce travail réalisait une parfaite adéquation avec l’attente de l’industriel qui d’une façon générale, demande aux chercheurs d’aller questionner les fondamentaux de l’activité scientifique de son activité pour les consolider ou les remettre en cause. Grâce à cette relation étroite entre industrie et recherche, les conditions sont alors réunies pour que de l’intelligence migre et pénètre dans les produits de l’activité industrielle, afin de la régénérer et la pérenniser. Jean-Louis avait parfaitement compris cet enjeu. Il en maîtrisait la dimension scientifique, ce qui est évident, mais surtout aussi la dimension humaine qui exige dans ce type d’approche une grande modestie, une qualité d’écoute et une capacité à se remettre en cause ; il cumulait ainsi toutes ces qualités dont la réunion est fort rare dans une même personne. C’est dire la perte que représente Jean-Louis pour nous. Celle d’un grand expert international en électronique de puissance et celle d’un humaniste chaleureux qui avait bien compris que derrière les schémas, les équations et les simulations, c’était le gagne-pain futur de nombreux hommes et femmes qui était en jeu.
Jean Baptiste Quoirin
Directeur de la R&D du site de Tours
de StMicroelectronics, 1989-2005