Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
© LAAS-CNRS, Laurence Médard
« Faire une thèse au LAAS » a été l’objet d’une enquête réalisée dans le cadre du conseil de laboratoire. Comment ce temps est-il vécu par les doctorants et les encadrants ? Que deviendront les premiers ? Le bilan, relativement positif au LAAS, s’inscrit pourtant dans un contexte national et européen morose, marqué par la désaffection pour les études scientifiques et un diplôme insuffisamment reconnu en France sur le marché du travail.
La préparation de la thèse est un travail de recherche à part entière qui profite à la vie scientifique du laboratoire, requiert cependant un encadrement puisqu’il s’agit d’une formation étendue en moyenne sur plus de trois ans. Là s’explique sans doute la différence d’appréciation et de point de vue entre doctorants et encadrants. L’enquête faite au LAAS sur cette période de la vie des étudiants rassemble des données statistiques et justement le ressenti de part et d’autre.
Côté chiffres, le LAAS accueille actuellement 228 doctorants. Leur âge moyen est 28 ans, 37% d’entre eux sont inscrits à l’université Paul Sabatier, le même pourcentage dans les écoles d’ingénieurs toulousaines (INSA et INP) tandis qu’un quart sont en cotutelle ou inscrits dans d’autres établissements. Les étrangers sont 46%, venant d’autres pays d’Europe, d’Asie, d’Amérique du sud, et dans une moindre mesure, d’Afrique et d’Amérique du nord. Les bourses de gouvernements étrangers sont le deuxième mode de financement des thèses, après les allocations de recherche du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et avant les contrats industriels de formation et de recherche (CIFRE). En dix ans, le nombre de doctorants a augmenté de 46%, tandis que celui des chercheurs et enseignants chercheurs de 17%. L’encadrement est donc moindre sans que cela semble préjudiciable. On trouve en effet dans certaines disciplines, comme la robotique ou les nanobiotechnologies, à la fois les taux d’encadrement le plus faible et de satisfaction le plus élevé.
Par passion pour la recherche
Pourquoi faire une thèse ? Par « passion » pour la recherche et l’enseignement pour la moitié des doctorants qui se sont exprimés. Au début des années 2000, cette passion déclarée a pu s’assouvir puisqu’à l’issue de leur thèse, presque la moitié des doctorants du LAAS trouvait une activité, en France ou à l’étranger, dans le monde académique, l’autre moitié rejoignant l’industrie. En 2006, ils n’étaient plus que 32% à rejoindre la recherche publique, seulement 8% en France, et 14% à trouver un travail dans le secteur industriel. Que sont devenus les autres ? 30% on fait un stage post-doctoral, aucun n’avait suivi cette voie en 2000. Comment s’explique ce changement ? L’enquête ne le révèle pas car elle n’a pu interroger que les doctorants présents. Des hypothèses cependant se dessinent en questionnant ces derniers. Le stage poct-doctoral a longtemps représenté une expérience complémentaire à la thèse. Agrémenté de publications scientifiques, il était l’ultime étape avant un recrutement académique. Aujourd’hui, tout en conservant son intérêt en terme d’expérience, il serait aussi pratiqué pour différer l’entrée dans le
secteur industriel ou aussi encore dans le cas d’une recherche d’emploi infructueuse.
Un cadre de travail satisfaisant
Concernant le quotidien, les doctorants sont satisfaits à plus de 60% de leur cadre de travail au LAAS, de leur situation financière et des contacts qu’ils ont entre eux (95% !). Le cadre et les moyens de travail, ainsi que l’intérêt des thématiques, sont les premières motivations de leur choix du LAAS. Ils sont un peu plus critiques sur certains aspects de leur vie de thésard, ressentant parfois de la solitude lorsqu’ils voient leur motivation en baisse, se croient sur une mauvaise piste, se heurtent à un problème qu’ils ne savent résoudre, à des formulations imprécises ou des concepts difficiles, désagréments qu’ils sont tentés de résumer dans un « manque de suivi de la part de l’encadrant ».
Côté encadrants, si l’on reconnaît que la motivation du doctorant est indispensable pour s’approprier et maîtriser son sujet, et que la plupart des doctorants n’en manquent pas, de nombreuses réserves sont émises. Le grief n’est pas nécessairement fait aux doctorants mais au système dans son ensemble. Depuis dix ans, manque d’autonomie, plus de connaissances techniques mais une moins bonne préparation au niveau fondamental, problème de pluridisciplinarité de certains sujets mal anticipée dans les formations des écoles doctorales, un intérêt en déclin pour la thèse, notamment des ingénieurs dont les perspectives de carrière sont plus souriantes à la sortie d’une bonne école qu’en sortie de thèse. Mal reconnu en effet par les conventions collectives, le doctorat, réalisation encadrée d’un projet de recherche, perdrait cette vertu formatrice pour n’être considéré que comme un diplôme dans un cursus universitaire. Selon un directeur de thèse pourtant, bien que malmenée par la conjoncture, « la passion peut venir ».