Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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© Naïo Technologies

Deux amis ont créé en 2012, avec l’aide de deux autres camarades de leur école d’informatique et de robotique, une start-up spécialisée dans la robotique agricole. Le LAAS a eu un rôle clé dans cette audacieuse entreprise. C’est à l’occasion de son stage au laboratoire que Gaëtan Severac, l’un des deux fondateurs de Naïo Technologies, manipulera concrètement des robots qui nourriront son imagination ; le LAAS accompagne aujourd’hui la jeune entreprise pour la résolution des problèmes scientifiques qui se posent encore nombreux.

Naïo technologies est une start-up qui s’est lancée dans la robotique agricole, avec une philosophie clairement énoncée, fondée sur les convictions de ses fondateurs et un héritage familial sensible à la chose agricole. Il ne s’agit pas de servir une production intensive mais d’aider la petite agriculture dans l’harmonie avec son environnement. L’entreprise propose aux agriculteurs des solutions pour l’entretien et la surveillance des cultures, avec un moindre impact environnemental. Oz est la première réalisation de Naïo. C’est un robot autonome, robuste et écologique, capable de réaliser un désherbage mécanique, sans usage de produits phytosanitaires. De petite taille et capable d’évoluer entre les rangées de plantations, Oz est fait d’une plateforme mobile électrique à 4 roues motrices équipée d’une caméra et de capteurs. Il est conçu pour de petites surfaces de 4 à 12 hectares et comporte différents outils en option sur le même porteur physique, soc de binage, herse étrille, bineuse à doigts, chacun associé à un programme logiciel. Grâce à un système d’analyse des images fournies par sa caméra, il peut repérer les allées, éviter les obstacles : fossés, outils abandonnés, tuyaux d’arrosage, sarcler au plus près de la plante cultivée sans la toucher, relever l’outil de sarclage lors du franchissement de certains obstacles, faire demi-tour et rejoindre sa base de rechargement. Capteurs et caméra collectent en outre les données in situ dont le traitement  sera un outil d’aide à la décision. Enfin, capable de suivre une personne, Oz offre une assistance à la récolte avec une fonction chariot.

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© Naïo Technologies

Le chemin parcouru pour en arriver là est moins rectiligne que les sillons du maraîcher qui teste Oz en ce moment. De 2007 à 2010, Gaëtan Severac, aujourd’hui directeur général de Naïo Technologies, fait des études à l’IMERIR, Institut méditerranéen d’étude et de recherche en informatique et robotique, à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Dans le cadre d’un contrat d’alternance, il est stagiaire au LAAS et affecté à la plateforme expérimentale Arum, dans le cadre du projet européen Hidenets traitant d’applications mobiles embarquées sûres de fonctionnement. Arum est constituée d’ordinateurs portés par des robots mobiles. C’est là que le stagiaire rencontre concrètement la robotique. « Le stage m’a permis de travailler trois ans sur des robots. J’ai été très aidé par les roboticiens ». Il prépare aujourd’hui une thèse à l’Onera sur « Etude et simulation de mécanismes d'interaction pour l'exécution de missions d’exploration planétaire réalisées par un ensemble d'engins hétérogènes », « parce qu’il y a « exploration planétaire » dans le titre. La thèse est assez théorique mais j’aime la pratique, alors, la robotique agricole me passionne». L’idée originelle d’un robot champêtre a surgi le 1er mai  2010 à la fête de l’asperge à Pontonx-sur-l'Adour, dans les Landes, où il se trouve par hasard. Il y apprend auprès des agriculteurs que la récolte des asperges est fatigante et souffre de pénurie de main-d’œuvre. D’où l’idée du robot pour la récolte. Il en parle à des amis d’école, bientôt, ils discutent avec des agriculteurs, songent aux robots les plus farfelus ou irréalisables avant de tomber d’accord sur l’idée d’un robot de désherbage pour des producteurs de légumes. « Nous avons eu beaucoup de difficultés, nous savions programmer mais n’avions pas de compétences en mécanique ni électronique de puissance ». A force de tests et d’expérimentations, l’idée de l’entreprise s’impose et ils sont quatre à s’y investir, « Nous nous sommes rapprochés d’Artilect, le FabLab toulousain ». Une première maquette puis un premier prototype voient le jour en partant d’un châssis de tondeuse doté d’un moteur d’essuie-glace, puis d’un quad électrique pour enfants ; enfin, un nouveau robot est mis au point avec une petite entreprise de matériel agricole de l’Aude. Il permet de valider le concept tout en soulevant de nouvelles questions. Là intervient le LAAS derechef, en effectuant cette fois une étude sur les algorithmes d’analyse d’images à intégrer dans l’architecture embarquée pour  la navigation du robot, la discrimination des sols (terre, herbe…) et des obstacles et les stratégies de franchissement ou d’évitement, la détection des plantes et troncs d’arbre pour sarcler au plus près sans contact. Un deuxième prototype est monté en mars 2013 et placé en test chez des maraîchers de la région toulousaine. Un bêta-test est prévu chez cinq autres agriculteurs puis une première série opérationnelle qui pourrait être commercialisée en 2014.

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© Naïo Technologies

Naïo Technologies est hébergée par l’incubateur Midi-Pyrénées jusqu’à fin 2013, après quoi la start-up louera des locaux dans une pépinière d’entreprises. A terme, elle envisage de concevoir des flottes de robots capables de se déplacer dans toutes sortes de culture : vignes, vergers, serres, grandes cultures, et d’y réaliser des tâches spécifiques à chaque robot mais en coopération et de façon coordonnée. Des récompenses encourageantes ont déjà été décernées à l’entreprise : elle a été finaliste du wokshop Entreprenariat de L’European Robotics Forum en mars 2012 à Odense, au Danemark, a reçu les « encouragements du jury » du concours Innovatec 2012 et le Prix Etoile du Club Galaxie à Toulouse la même année. De nombreuses difficultés scientifiques et technologiques sont cependant encore à résoudre. Pour ce faire, Naïo espère prolonger le partenariat avec le LAAS par le biais d’une convention Cifre. « Avec Gaston Lagaffe et MacGyver comme idole, j’ai démonté pas mal de trucs dans mon enfance, pour comprendre comment ils fonctionnaient, j’en ai remonté beaucoup moins. Mais quand il s’agit de robots : je m’applique ! » écrit Gaëtan Severac sur le site de la start-up.