Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
Bioplume est un outil de détection biologique. Initialement conçu au LAAS pour la réalisation de biopuces de haute densité, son principe, certes robotisé et miniaturisé, est proche de la combinaison encrier-porte plume-cahier d’autrefois, des microplumes de silicium déposant l’élément biologique sur un susbstrat solide, la biopuce. Bioplume s’est avéré capable au fil des évolutions qu’il a connues de déposer avec succès des molécules biologiques diverses comme l’ADN, des protéines et aujourd’hui des cellules, promettant potentiellement d’autres usages. Il a été breveté par le LAAS, continue de remplir sa mission de soutien à la recherche tout en permettant à une start-up
qui l’utilise de développer une nouvelle génération de puces à protéines. Liviu Nicu est chercheur au LAAS. Il était doctorant lors de la conception originelle de Bioplume à laquelle il a participé. Il revient sur le chemin parcouru en dix ans, dont il attribue particulièrement le succès à la pluridisciplinarité des équipes qui ont oeuvré à l’évolution de Bioplume comme à l’entente intellectuelle et humaine entre chercheurs et ingénieurs d’horizons géographiques et scientifiques différents.
L'été dernier, en juillet, nous faisions la couverture de la revue Small, grâce à des lymphocytes sagement rangées en réseaux périodiques sur un substrat solide. Le défi relevé consistait à fixer des cellules dites “circulantes” (se fixant donc difficilement) sur un substrat. C’est le résultat d’un travail commun avec des biologistes de l’Institut nanosciences et cryogénie (CEA) et des immunologistes de l’Institut Albert Bonniot (Inserm) de Grenoble L’objectif était d’étudier le comportement de ces cellules face à certaines conditions de stress biologique ou chimique afin de mieux comprendre certaines pathologies comme l’hépatite C. La fixation avait été rendue possible par l’intermédiaire de l’outil Bioplume qui avait permis le dépôt régulier de “points de colle” micrométriques sur le substrat de fixation. Cette application exemplaire parachève une longue histoire commencée dix ans plus tôt.
Un chercheur du LAAS, Christian Bergaud, imaginait alors une façon de miniaturiser à l’extrême les robots de fabrication de biopuces en les transposant à la technologie silicium. Je finissais ma thèse sous sa direction et assistais à la montée en puissance de la Génopôle toulousaine et à la naissance d’un langage commun entre les micro-technologues, menés par Christian, et les biologistes, avec en tête de pont Jean-Marie François, professeur à l’INSA et responsable de la plateforme biopuce.
Le premier jalon de cette aventure humaine commune a été la toute première version de Bioplume, dont l’objectif affiché était de réaliser des biopuces de densité supérieure à ce qui existait alors, en utilisant en guise d’outils de dépôt (de sondes biologiques sur une surface) des microplumes en silicium se chargeant à la manière des anciennes plumes à écrire, à partir d’un encrier déporté. Dans le cas présent, “l’encre” est biologique et permet “d’écrire” des motifs très petits sur un substrat solide appelé biopuce. Le premier prototype fonctionnel a vu le jour au début des années 2000, fruit du travail technologique de Christian, de ses doctorants en salle blanche, au LAAS, et de Jean-Bernard Pourciel, ingénieur de recherche, dont le rôle a été d’apprendre “à marcher” (par la mise en place d’interfaces automatiques spécifiques) au Bioplume 1.0. Les choses ont alors pris de la vitesse. Le projet européen NAPA, méthodes émergentes de nanofabrication, dont le LAAS était partenaire, a démarré en 2004 pour une durée de 4 ans. Cela nous a permis de créer Bioplume 2.0, plus compact, plus précis, puis le Bioplume 3.0, plus agile, plus complexe. Nous avons détourné la vocation première de Bioplume en le transformant tour à tour en robot de dépôt de nanoparticules, en robot de dépôt de polymères à empreinte moléculaire ou de polymères électro-polymérisables, puis petit à petit de l’ADN2 nous sommes passés aux protéines et enfin, aux cellules, en juillet dernier.
Nous voulions au début un robot de fabrication de biopuces à ADN car nos collègues biologistes y voyaient un certain intérêt ! En chemin, nous avons rencontré les chimistes de Compiègne (Karsten Haupt), les biochimistes de Grenoble (Thierry Livache, Pascal Mailley et Yoann Roupioz), les immunologistes de Montpellier (Martine Pugnière) et de Grenoble (Patrice Marche).
Aujourd’hui, Bioplume marche. Grâce aux capteurs embarqués, pilotés par Fabrice Mathieu, il est sensible à son environnement et sait faire plein de choses différentes grâce à tous ceux et celles qui ont passé leurs jours et leurs nuits à les lui apprendre (Thierry, Nathalie, Daisuke). Aurions-nous réussi tout cela, seuls, dans notre coin, confinés dans nos disciplines respectives ? Certainement pas !