Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
© LAAS-CNRS 2007, Daniel Daurat
Introduite au LAAS il y a une douzaine d’années, la représentation diffusive(1) est une théorie parvenue à maturité tant du point de vue de ses fondements mathématiques que des techniques associées, comme en témoignent les applications nombreuses auxquelles elle a donné lieu à travers diverses collaborations dans plusieurs champs thématiques. Son objet est l’analyse, la transformation et la résolution de problèmes dynamiques complexes en modélisation, identification, simulation numérique, estimation ou contrôle de systèmes.
La problématique de représentation diffusive s’inscrit dans un contexte « opératoriel ». De façon lapidaire, la « formulation opératorielle » consiste à considérer les équations dynamiques non plus localement dans le temps, mais de façon globale, c’est-à-dire sur les trajectoires dans leur ensemble. On constate alors que la plupart des modèles rencontrés en pratique s’expriment naturellement au moyen de combinaisons simples entre deux types d’opérateurs « élémentaires » de natures fondamentalement différentes : statiques non linéaires d’une part, dynamiques linéaires d’autre part. Les premiers se ramènent à des fonctions au sens classique : leur manipulation ne présente aucune difficulté particulière. Les seconds, plus complexes, sont de type convolutif, l’opérateur élémentaire de dérivation et les classiques opérateurs rationnels faisant partie de cette classe.
Au-delà de la modélisation, l’idée d’étendre un tel découplage des complexités au traitement des problèmes dynamiques non linéaires de toutes natures est originale et formellement séduisante à bien des points de vue. Elle ne peut cependant être envisageable qu’à la condition que les divers opérateurs en jeu puissent tous se prêter aux nombreuses manipulations algébriques et numériques nécessaires à l’élaboration de solutions. Or, pour des raisons aussi simples qu’incontournables, cette condition essentielle s’avère d’emblée incompatible, même dans les situations les plus simples, avec le cadre classique des opérateurs dynamiques rationnels, de fait trop restreint pour la formulation opératorielle : la construction d’une classe appropriée d’opérateurs s’impose. Elle doit être suffisamment riche pour que les opérations élémentaires puissent y être bien définies, mais en même temps compatible avec les contraintes sévères de l’analyse et du calcul numérique pour des utilisations autres que théoriques. C’est là que se trouve l’intérêt majeur de la représentation diffusive : dans « l’algèbre des opérateurs diffusifs », toutes les opérations élémentaires sont effectivement maîtrisées ainsi que leurs réalisations numériques ; et les problèmes dynamiques peuvent dès lors être abordés sous un angle nouveau et fertile, dans un cadre unifié et doté d’outils méthodologiques spécifiques mis au point au cours des dernières années.
La formulation opératorielle étant de portée générale, les domaines d’applications de la représentation diffusive sont très variés. A titre d’exemple, on peut citer le problème, traité en collaboration avec le laboratoire Laplace de Toulouse, de la modélisation (et, à terme, du contrôle) de fronts de tension destructeurs évoluant au sein des bobinages de certains moteurs électriques de forte puissance alimentés par découpage, où des phénomènes dynamiques complexes sont induits par des courants de Foucault transitoires répartis dans la carcasse métallique. Par leur nature multidisciplinaire, de telles applications nécessitent souvent des développements théoriques approfondis. La formalisation qui en découle permet en retour des progrès significatifs dans la compréhension et la résolution des problèmes, particulièrement ceux qui ne peuvent être correctement posés, sinon de manière artificielle ou trop abstraite, hors du formalisme de la représentation diffusive et dont l'étude est ainsi motivée, au-delà des besoins industriels, par la théorie elle-même.
(1) Les principes généraux de la représentation diffusive et une quinzaine de ses applications dans divers domaines sont présentés dans une monographie publiée récemment, Gérard Montseny, Représentation diffusive, Hermès Science, 2005.