Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS
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Depuis plus de cinquante ans, la miniaturisation des systèmes est un puissant moteur de recherche et d’innovation et constitue un chemin de progrès essentiel dans la création de nouveaux systèmes, dans l’accroissement de leurs performances et dans la réduction des coûts. Créée dans cette dynamique, la démarche microsystème a certainement été parmi l’une des premières à jeter les bases de l’ouverture pluridisciplinaire et de la multifonctionnalité. Sa capacité à « absorber » et fédérer des champs disciplinaires très différents et à intégrer des facteurs d’échelle très variés lui confère une indéniable qualité, celle de se remodeler et se redéfinir continuellement en réponse aux questions et besoins suscités par les grands défis sociétaux, technologiques ou économiques.
Quelques succès industriels particulièrement porteurs tels que capteurs de pression, accéléromètres, gyro ou tête d’impression ont rendu l’ouverture microsystèmes très visible et permis l’exploration de nombreuses autres fonctionnalités et champs applicatifs. Les microsystèmes sont aujourd’hui plurifonctionnels, pluridisciplinaires, autonomes et communicants.
Les micros nano systèmes RF permettent de gérer les fonctions de communications embarquées, mais aussi des fonctions spécifiques : capteurs/actionneurs, exploitant les propriétés des ondes électromagnétiques. Les Microsystèmes-Opto-Electro-Mecaniques (MOEMS), qu’il faut voir comme une démarche d’« optique intégrée », incluent des fonctions optiques : émission, réception, réflexion, guidage, correction, ... qui irriguent progressivement les domaines de la biologie et la santé, les applications grand public (téléphonie et autre). L’énergie embarquée dans les microsystèmes intègre à la fois les aspects de génération, stockage et gestion de l’énergie sous toutes les formes possibles : électrique, mécanique, chimique, biochimique, pyrotechnique. Cette priorité est émergente : l’objectif général est intimement lié au concept d’ « intelligence ambiante », vision d’un environnement où « tout parle et tout communique avec tout ». Les bio micro nanosystèmes sont tournés vers les applications médicales de diagnostic ou thérapeutiques ou environnementales. Les micro/nano systèmes fluidiques sont indispensables à la manipulation ou à l’exploration des milieux biologiques ou chimiques et donc à toute intégration multifonctionnelle. Ils sont également porteurs d’un potentiel technologique d’assemblage, de structuration et d’organisation des milieux complexes encore totalement inexploité où la manipulation contrôlée de fluides s’avère nécessaire ou judicieuse.
Cette diversification fonctionnelle s’est accompagnée d’une diversification technologique importante - les matériaux organiques sont aujourd’hui largement associés au silicium- et profite pleinement de l’émergence des nanosciences et nanomatériaux.
MEMS RF et communication sans fil
Les communications sans fil jouent un rôle majeur dans de nombreux secteurs industriels ou sociétaux et il est primordial d’anticiper dès aujourd’hui les technologies et architectures qui feront les dispositifs de demain. Parmi les voies prometteuses s’impose progressivement celle d’utiliser des matériaux « intelligents » (ferroélectriques, ferromagnétiques, metamatériaux, …). Nous venons par exemple de démonter que l’utilisation de BST (barium strontium titanate), un matériau ferroélectrique, permettait de réaliser des résonateurs reconfigurables, présentant un facteur de qualité élevé, sur la gamme 30-50GHz. Un matériau ferromagnétique, le LSMO ((La, Sr,MnO), utilisé en couches minces permet d’obtenir des résultats comparables aux fréquences RF.
L’utilisation de nanomatériaux est également un facteur d’innovation importante. Ainsi le couplage d’un film de nanotubes de carbone avec un guide d’ondes coplanaire permet d’atteindre une fréquence de résonnance extrêmement pointue dans la gamme 1,4 GHz. De plus, en introduisant les mêmes nanotubes de carbone dans des cavités micro-ondes, on peut observer de très intéressantes propriétés comme un accroissement du facteur de qualité des résonateurs BAW. Des calculs théoriques montrent également que ces matériaux permettraient de réaliser de nouveaux dispositifs permettant la récupération de l’énergie RF.
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D’autres dispositifs innovants ont été conçus et réalisés. Ainsi un répéteur large bande diminuant le taux d’erreur sur bit de 10-6 à 10-9 ou une antenne miniaturisée 3 bandes.
Systèmes de gestion de l’énergie
La miniaturisation des systèmes de gestion de l’énergie est un défi stratégique pour les systèmes embarqués, mobiles et délocalisés. Les développements revêtent différentes facettes : celle historique des composants de puissance, mais également celles plus émergentes de l’intégration de la chaine de production, stockage et conversion de l’énergie sur puce.
De nombreuses innovations ont été faites dans le domaine des interrupteurs de puissance. Par exemple, des composants auto-commutables ont été conçus et réalisés sur le base de technologies thyristor et ne nécessitent pas d’alimentation auxiliaire ou de circuit de commande externe. Ils sont autonomes et permettent de simplifier considérablement la topologie des convertisseurs. Le domaine des convertisseurs a pu également bénéficier d’innovations technologiques considérables : des microinductances de 1µH on pu être réalisées par empilement de couches épaisses dont un cœur magnétique qui permet de réduire considérablement les courants de Foucault. De même, la réalisation de capacités de haute densité (500nF/mm2) a pu être démontrée en conservant des épaisseurs de dispositifs dans la gamme des 100µM ce qui est un avantage considérable dans la perspective d’intégration avec d’autres composants. Pour ce faire, des réseaux de micro ou nanopores sont réalisés dans les électrodes par gravure sèche ou électrochimique afin d’en accroitre la surface.
Des études très prospectives ont également porté leur fruit dans le domaine de la production de l’énergie sur puce par l’intégration de nanofils de Al/CuO. Ces nanomatériaux se présentent comme de sérieux candidats pour la réalisation de sources énergétiques haute densité.
Nano biodétection
Les enjeux majeurs dans ce domaine sont la sensibilité et la sélectivité. De longue date des travaux sont conduits pour détecter des métabolites (urée, créatinine) à l’aide de microdispositifs intégrant des enzymes (ENFET). Des approches de détection électrochimique permettent dans la même lignée de rechercher des espèces anti-oxydantes (acide ascorbique, acide urique, gluthation) pour l’analyse de la peu ou l’industrie cosmétique.
Les nouvelles voies d’exploration portent aujourd’hui vers des techniques ultimes de détection de masse ou de détection optique. Ainsi des microcapteurs à membranes intégrant un élément piézoélectrique et supportant une couche de polymères à impression moléculaire (Molecular Imprinted Polymers) comme élément de capture ont permis de détecter de très faibles quantités de petites molécules (pesticide). Plus récemment un système de biodétection optique sans marquage chimique a été imaginé et mis au point. Le principe repose sur l’arrangement de molécules sondes le long d’un réseau de diffraction d’échelle nanométrique et la mesure de l’intensité du faisceau diffracté au premier ordre. Selon que les molécules sondes aient interagit ou non avec la molécule cible, cette intensité varie rendant possible une détection à la femtomole.