Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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© LAAS-CNRS/Magali Brunet

Un nouveau type de composants électroniques de stockage de l’énergie sur puce vient d’être réalisé au LAAS. Ces micro-supercondensateurs, de la taille d’un ongle, atteignent une puissance énergétique 4000 fois supérieure à celle des batteries miniaturisées du commerce, tout en conservant des capacités de stockage d’énergie équivalentes. Ces propriétés contribueront à doter l’électronique nomade d’une qualité incontournable : l’autonomie énergétique, nécessaire à l’émergence de l’intelligence ambiante, qui nous promet un environnement peuplé d’objets communicants.

La demande initiale émanait d’Airbus qui souhaitait accroître la surveillance de structure des avions en vol en les équipant de réseaux de capteurs sans fils, peu encombrants et durables. Pour cela, il fallait capter l’énergie ambiante disponible sur un avion, telle que les vibrations mécaniques ou les variations de températures entre le sol et l’altitude atteinte en vol. Mais ces énergies ne sont disponibles que de façon intermittente. Elles doivent donc être stockées afin de permettre une alimentation en continu des capteurs le plus rapidement possible à des températures de -50°, celles d’un avion en vol. La durée de vie des systèmes concernés doit être identique à celle de l’objet dans lequel ils s’insèrent, un avion dans ce cas. Ces critères ont d’emblée exclu le choix des batteries dont l’énergie est libérée lentement et la durée de vie trop faible.

Le LAAS s’est donc concentré sur les supercondensateurs qui possèdent une durée de vie quasi-infinie grâce à leur mode de stockage de l’énergie basé sur l’électrostatique, c’est-à-dire sur le déplacement de charges aux interfaces des matériaux constituant le composant : processus qui épargne les matériaux. La solution chargée d’ions dans laquelle baignent les composants fonctionne parfaitement à basse température (jusqu’à -50°C). Le stockage de l’énergie s’effectue en surface, et non en volume comme dans le cas des batteries, ce qui explique pourquoi les supercondensateurs sont beaucoup plus puissants et rapides. Ils offrent cependant beaucoup moins de réserve d’énergie que les batteries. L’enjeu était alors de trouver des solutions pour accroître la capacité nécessaire à l’autonomie, tout en gardant les puissances indispensables à la rapidité d’alimentation des capteurs. Les chercheurs ont ainsi fabriqué sur puce électronique en silicium des micro-électrodes en or en forme de doigts interdigités espacés de 50 micromètres seulement, ce qui diminue considérablement la distance à parcourir pour les ions. Le matériau déposé était dans un premier temps du carbone activé dont la forte porosité lui confère une surface très importante de 2000 m2/g. Les microcomposants ont alors montré une énergie stockée importante : un centième de Watt heure par cm3 environ, 100 fois plus qu’un supercondensateur miniaturisé commercial. Mais l’amélioration de la puissance déjà satisfaisante, de l’ordre de trois fois plus que pour le même supercondensateur miniaturisé commercial, ne suffisait pourtant pas pour l’électronique nomade qui exige une récupération immédiate de l’énergie, soit des cycles de charges accélérés.

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© LAAS-CNRS/Magali Brunet

L’idée vint alors d’utiliser les oignons de carbone de l’université de Drexel fabriqués à partir de nano diamants. Ces fullerènes de 4 à 5 nanomètres de diamètre, constitués de feuillets de graphite concentriques rappelant ceux de l’oignon, possèdent une surface totalement accessible aux ions de la solution, d’où une extrême rapidité d’échanges. De plus, ces poudres de carbone actif, ou nano oignons, sont classiquement agrégées dans un liant organique, un polymère, qui freine le déplacement des ions. La technique d’électrophorèse développée au LAAS a permis de s’affranchir de ce liant : les matériaux carbonés sont donc « à l’état pur » sur les microélectrodes. Les tests réalisés au CIRIMAT ont révélé des performances hors du commun : des puissances dix fois plus importantes qu’avec le carbone activé, soit 30 fois plus qu’un supercondensateur commercial et 4000 fois plus qu’une batterie miniaturisée commerciale. Et ce, tout en gardant des densités d’énergie importantes, nécessaires à l’autonomie énergétique des systèmes.

Au-delà du travail avec Airbus, ces micro-supercondensateurs de forte puissance devraient répondre à la demande croissante d’un stockage rapide de l’énergie, que ce soit pour l’alimentation de l’électronique nomade, certains microsystèmes électromécaniques (appelés MEMS, par exemple les capteurs de pression ou accéléromètres), les puces RFID (identification par radio fréquence) ou la sécurisation des cartes à puce.

Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec le Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux, CIRIMAT, et l’Université de Drexel à Philadelphie.